Telle une peau, la photo enlève le paraître de la chose.

Une photo - et voilà la matière qui a disparu. De son opacité, il ne reste que le paraître. Ajoutons qu'aujourd'hui, à l'heure de la photo digitale, l'on ne pourra même plus affirmer comme Roland Barthes dans sa "Chambre claire" (1980) que "ça a été là".  La photo, ce n'est plus la présence passée de l'objet photographié qui a laissé ses traces sur le papier traité par la chimie. La manipulation digitale ne connaît pas de bornes.

La marée des images d'aujourd'hui revient donc à une dématérialisation de notre univers mental, parfaitement en phase avec la digitalisation elle-même, où le monde des choses est dominé par les flux numériques dans lesquels il est destiné à se dissoudre. Le rêve? Que l'algorithme intelligent brise la résistance de la matière obtuse.

Il y va de même de la communication, où la matière se manifeste comme distance qu'il s'agit d'abolir - distance physique, donc matérielle. De quoi s'attaquer à la distance mentale, considérée alors comme d'autant plus scandaleuse. Tandis que le téléphone accentuait encore, à l'époque, la distance entre les interlocuteurs, moi ici, toi là-bas, chacun à son endroit, les plateformes électroniques nous rassemblent, nous mettent tous dans le même bain, nous dématérialisant à notre tour.

Il faudra repenser l'intime rapport entre la matière, garante de distance, et la liberté. 

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