Ma petite dialectique.

Dans le jeu de présence/absence qui régit nos relations avec les personnes chères, la foto aide la mémoire à maintenir vivante la présence dans l'absence, présence bien différente de la présence telle qu'elle était, lors de l'actualité de la scène, imaginée maintenant. À la place de la matière, souvent encombrante, des êtres qui, de ce fait, vous repoussent des fois, il y a maintenant des lacunes en esquisse dont le vide fait appel à des élans de l'âme où s'installent facilement la nostalgie et le désir. C'est un aller et retour permanent de soi vers l'autre et vice versa, où soi et l'autre prennent forme et s'affirment. 

Ce qui vaut pour les personnes vaut aussi, mutandis mutatis, pour les lieux. Souvent, il faut partir, rien que pour réapprendre à apprécier et retourner le cœur battant. La foto, alors, ne remplace pas la présence de ce qui est ailleurs, mais pointe vers celle-ci, vous lance vers elle, en vous prenant par les entrailles. Le réel, là, peut combler toutes vos attentes ou vous décevoir outre mesure, en vous repoussant et annihilant vos rêves, dévoilés maintenant comme tels. 

La foto vous permet de vous en tenir à cet état intermédiaire de flottement où le désir se lance vers sa mort dans l'actualité immédiate, pour renaître ensuite avec force dans cette absence qui vous interpelle dans l'image. Machine à consommer le temps à cent pour cent, pour une durée cependant limitée, car elle n'arrivera jamais à absorber le monde entier dans son jeu. Du coup où le dehors fait irruption en la dénonçant comme produisant un dedans, elle se grippe. 

Il n'y a alors qu'à attendre si, oui ou non, elle se remettra à fonctionner.